^

portraits

Michel GROSSETTI est directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS

Quelle est votre conception du développement économique et territorial ?

Comprendre les situations locales, ne pas appliquer de recettes standard, élaborer les analyses et les solutions avec les citoyens.

D’après vous, le développement économique doit-il reposer sur la compétition ou la solidarité des territoires ? Ou bien les deux ?

Certainement pas sur la compétition qui n’existe pas en réalité. Il faut s’affranchir de ces idées générales abstraites et irréalistes (compétition versus solidarité, etc.)

A l’aune des crises qui se succèdent, sanitaires, environnementales et économiques, comment percevez-vous l’évolution du développement économique et territorial dans un contexte de transition ?

Le développement lui-même je ne sais pas. Les politiques qui en font leur objectif me semblent évoluer vers plus de réalisme et sortir (difficilement) des mythologies qui les sous-tendaient auparavant.

Magali TALANDIER est Professeure des universités

Quelle est votre conception du développement économique et territorial ?

Le développement territorial vise à améliorer les conditions de vie de la population d’un espace donné.

D’après vous, le développement économique doit-il reposer sur la compétition ou la solidarité des territoires ? Ou bien les deux ?

Le développement économique permet à un territoires de créer des richesses, mais aussi de savoir les capter depuis l’extérieur et enfin de les faire circuler localement.

A l’aune des crises qui se succèdent, sanitaires, environnementales et économiques, comment percevez-vous l’évolution du développement économique et territorial dans un contexte de transition ?

Même s’il est difficile de renseigner et surtout d’objectiver, de mesurer en temps réel les dynamiques de transition, le travail de terrain rend compte de changements concrets. La volonté de soutenir une économie circulaire, plus durable, que ce soit du côté des collectivités ou des entreprises est palpable. Les leitmotiv peuvent parfois être financiers, marchands, ou attachés à un réel changement de valeur et de posture. Beaucoup d’entrepreneurs évoquent également le besoin de changer d’image afin de recruter, d’attirer les jeunes diplômés.

Fabien NADOU est enseignant-chercheur en Aménagement et économie territoriale

Quelle est votre conception du développement économique et territorial ?

En partie le résultat de la mise en synergie entre acteurs locaux et non locaux, d’un compromis entre les différents intérêts, publics et privés, dans un objectif d’une amélioration des cadres de vie et d’une recherche de croissance des sociétés. C’est aussi la conjonction des politiques d’aménagement et d’attractivité avec les stratégies des individus et entreprises.

D’après vous, le développement économique doit-il reposer sur la compétition ou la solidarité des territoires ? Ou bien les deux ?

Certainement davantage sur la solidarité et les coopérations, les alliances entre les territoires et les acteurs.

A l’aune des crises qui se succèdent, sanitaires, environnementales et économiques, comment percevez-vous l’évolution du développement économique et territorial dans un contexte de transition ?

L’hybridation des enjeux de transition écologique avec le développement économique est encore à réaliser, les deux se font encore face, il faut certainement aller plus loin dans cette mise en commun et tenter les mutations des écosystèmes productifs. L’écologie industrielle et territoriale est une piste intéressante pour la réflexion et l’action.

Florence LEGROS est Directrice générale ICN Business School, Nancy, Paris et Berlin

Quelle est votre conception du développement économique et territorial ?

Tout d’abord, au risque d’ajouter à la confusion, je ne sais pas définir un territoire. Département ? Région ? Grande région ? « Nouvelles grandes régions » incluant des zones transfrontalières (exemple de la Sarre et du Luxembourg vis-à-vis de la grande région Grand-Est).

Vu par le biais de l’impact des grandes écoles et autres établissements d’enseignement supérieur, le développement est multiforme :

  • Il passe par la formation initiale et continue (notamment destinée aux entreprises « locales »).
  • Par la renommée y compris à l’international (étudiants en échange ou en études à temps plein).
  • Par les retombées économiques (panier moyen d’un étudiant x nombre d’étudiants donne des chiffres impressionnants).
  • Par les retombées culturelles (attention portée au climat par exemple).

Mais en retour il faut que les « territoires » soient attractifs. Le public étudiant doit avoir une motivation pour se déplacer. L’effet taille des établissements est indéniable. Créer des établissements avec pour seule idée d’implanter des étudiants sur un territoire, ex nihilo, est voué à l’échec.

D’après vous, le développement économique doit-il reposer sur la compétition ou la solidarité des territoires ? Ou bien les deux ?

Puisque le territoire a une définition extensive, il n’y a plus vraiment de frontières territoriales et donc la compétitivité est exclue car non pertinente.

A l’aune des crises qui se succèdent, sanitaires, environnementales et économiques, comment percevez-vous l’évolution du développement économique et territorial dans un contexte de transition ?

Ce qui est certain est que les finances publiques étatiques ont souffert et seront comptées, les régions notamment risquent d’avoir un rôle particulièrement prégnant dans l’avenir. A elles de savoir cibler leurs efforts.

Thomas COLOMBEAU est Directeur Adjoint du pôle de compétitivité ALPHA-RLH.

Quelle est votre conception du développement économique et territorial ?

Ce développement doit se faire en s’appuyant sur l’innovation qui permet aux entreprises de rester compétitives. La formation (initiale et continue) et le développement à l’international sont aussi essentiels pour assurer les bons relais de croissance.

D’après vous, le développement économique doit-il reposer sur la compétition ou la solidarité des territoires ? Ou bien les deux ?

Je crois fortement en la fertilisation croisée. La coopération inter filières au sein même d’un même territoire ou inter territoire sur une même filière permet toujours le développement des écosystèmes.

A l’aune des crises qui se succèdent, sanitaires, environnementales et économiques, comment percevez-vous l’évolution du développement économique et territorial dans un contexte de transition ?

Ces crises ont permis une prise de conscience massive des grands enjeux de demain. Les métropoles ont à présent une vraie volonté par exemple d’inscrire dans leurs projets de territoire des axes environnementaux forts. Il faudra être vigilant à ce que cette volonté s’inscrive dans la durée. Le citoyen s’est de même interrogé sur les valeurs qu’il peut attendre d’un territoire et je constate déjà quelques évolutions pouvant avoir un impact sur le développement économique (développement d’activités hors des métropoles/mégapoles).

Olivier BOUBA-OLGA est Professeur des Universités (Université de Poitiers) et Chef de service « études et prospective » de la Région Nouvelle-Aquitaine

Quelle est votre conception du développement économique et territorial ?

Chercheur spécialiste des questions de développement territorial, j’insiste dans mes travaux sur l’importance de la diversité des territoires et sur l’enjeu qu’il y a à se nourrir de cette diversité. Il faut sortir de l’obsession consistant à chercher le territoire ou la catégorie de territoires la plus performante, cela n’est pas pertinent.

D’après vous, le développement économique doit-il reposer sur la compétition ou la solidarité des territoires ? Ou bien les deux ?

L’idée que les territoires seraient en concurrence les uns avec les autres est une idée trop présente, qui fait beaucoup de mal, et qui est contraire à ce que nous disent les travaux de recherche. En matière économique, la création de richesses et d’emplois se nourrit de la capacité des acteurs à se diviser le travail et à se coordonner efficacement. L’accent doit donc être mis non pas sur la concurrence territoriale, mais sur les enjeux de coopération territoriale, étant entendu que selon les sujets, les territoires qui doivent coopérer ne sont pas nécessairement les mêmes, il convient de se poser à chaque fois, pour chaque sujet, la question du « avec qui » on a intérêt à travailler. A côté de ce principe de coopération, il faut effectivement retenir un principe de solidarité : œuvrer pour que chacun dispose des mêmes choses où qu’il se trouve, et aider ceux qui sont dans la difficulté, sur un sujet ou sur un autre, là aussi quel que soit l’endroit où il réside.

A l’aune des crises qui se succèdent, sanitaires, environnementales et économiques, comment percevez-vous l’évolution du développement économique et territorial dans un contexte de transition ?

Dans le contexte français, un discours très élitiste avait émergé ces dernières années, faisant de la compétitivité des métropoles l’alpha et l’omega de la création de richesses et d’emplois en France. La crise des Gilets Jaunes, puis la crise Covid, ont au moins eu le mérite de mettre en débat ce discours. Il est clair qu’il est nécessaire de réinterroger les objectifs fondamentaux que l’on s’assigne, qui relèvent moins de la compétitivité de tel ou tel territoire que de notre capacité collective à répondre aux besoins présents et futurs des populations. Toute l’action publique devrait être tournée vers cet objectif général, qui passe par notre capacité à travailler ensemble.