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2022 – Les politiques publiques du tourisme en Europe : transition touristique ou tourisme de transition ?

Vendredi 25 novembre 2022 – Musée national Adrien Dubouché

council_of_europe Sous le patronage de Madame Marija Pejčinovič Burič, Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe

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En partenariat avec :

 

EUROPA a organisé à Limoges le vendredi 25 novembre 2022, son 26e colloque européen annuel, sur le thème : « Les politiques publiques du tourisme en Europe : transition touristique ou tourisme de transition ? » au Musée national Adrien Dubouché.

Fort du succès des éditions 2020 et 2021, nous avions choisi cette année encore d’organiser le colloque EUROPA 2022 selon un double format :

  • un format « numérique, à distance » basé sur le concept d’une émission TV interactive dont le plateau était installé dans l’auditorium du Musée national Adrien Dubouché ;
  • un format « présentiel, en direct » basé sur le concept d’une « conférence internationale », dans les conditions de l’enregistrement d’une émission de TV interactive.

Ce colloque placé sous le patronage de la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe a débuté par l’examen des facteurs d’évolution qui transforment le tourisme en Europe.

Au terme de cette séance introductive, le colloque EUROPA s’est attaché à étudier le thème des politiques publiques du tourisme en Europe en retenant trois focales :

  • celle de leur gouvernance, au niveau local, national et européen, une gouvernance marquée par le rôle de premier plan joué par les collectivités territoriales, qui doivent toutefois associer les acteurs privés du monde socio-économique qui sont à l’origine du développement du secteur touristique, sans négliger la place de l’État et de l’Europe qui font de ce secteur d’activité un levier de développement économique  ;
  • celle de la définition des politiques publiques du tourisme autour d’objectifs et de valeurs-clés en relation avec la stratégie territoriale des collectivités ;
  • et enfin, celle de l’accompagnement des professionnels du tourisme, dans l’appropriation et l’intégration des objectifs définis par les pouvoirs publics.

Dès lors, les réflexions et les débats se sont articulés autour des trois thèmes suivants :

  • Séance thématique n°1 : Gouvernance du tourisme ou gouvernance des destinations ? Les dynamiques territoriales à l’œuvre en matière de tourisme.
  • Séance thématique n°2 : Préparer aujourd’hui le tourisme de demain ?
  • Séance thématique n°3 : Accompagner la transition des opérateurs touristiques vers un tourisme durable.

Problématique

Le tourisme est à la fois un marqueur et un outil de transformation de nos sociétés :

  • un marqueur, tout d’abord, car les politiques publiques du tourisme portent la marque des enjeux auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés : enjeux éthiques, environnementaux, climatiques, énergétiques, sanitaires, économiques, démocratiques… tous se reflètent dans les politiques publiques du tourisme mises en œuvre par les acteurs publics (collectivités territoriales, États, Union Européenne…) et socio-économiques qui s’efforcent d’adapter ce secteur d’activité à un monde en transitions ;
  • un outil puissant d’intervention, d’action sur le monde et ces transitions, ensuite : par la définition des priorités inscrites dans les politiques publiques du tourisme, par les moyens qu’elles mobilisent (moyens humains, financiers, techniques…), il nous est possible d’agir, d’apporter une réponse, nécessairement insuffisante, partielle, une réponse qui ne saurait être la seule mais qui a toute sa valeur, aux grands enjeux sociétaux d’aujourd’hui.

Pour répondre à ces enjeux, le tourisme a dû se réinventer, être repensé. Nous avons dû, collectivement, redéfinir notre manière de voyager et de découvrir le monde : le tourisme alternatif s’est ainsi développé en réponse aux dérives du tourisme de masse de la seconde partie du XXème siècle. Avant même d’y avoir été encouragées par les pouvoirs publics, de nombreuses organisations sont nées avec l’ambition de proposer une alternative aux voyages purement consuméristes : le tourisme durable, le tourisme responsable, l’écotourisme, le tourisme équitable, le tourisme solidaire, le tourisme participatif, le tourisme d’aventure…

Les politiques publiques du tourisme tentent de répondre à cette double aspiration : soutenir, accompagner le développement des activités touristiques pour le plus grand nombre, tout en promouvant des formes de tourisme et des manières d’être au monde correspondant à une approche éthique, respectueuse de l’environnement, des équilibres naturels et sociaux. Cet effort de redéfinition du tourisme autour de valeurs – respect environnemental, sobriété énergétique, justice sociale, développement territorial maitrisé – n’a pu être conduit que dans le dialogue, la concertation entre acteurs publics et privés, entre acteurs politiques et socio-économiques, dans le cadre d’une gouvernance elle aussi réinventée.

Le tourisme, comme nombre d’autres politiques publiques, reflète la complexité de nos organisations politiques et administratives : les différents niveaux d’intervention publique sont sollicités mais se révèlent parfois inadaptés, appelant à l’invention de nouveaux territoires d’action correspondant à des réalités géographiques, démographiques, topographique, sociologiques, économiques… qui disqualifient les découpages traditionnels et invitent les acteurs à construire ensemble les réponses aux défis de leurs territoires.

Étudier le tourisme sous l’angle des valeurs ne doit pas conduire à occulter le fait qu’il s’agit également d’une activité économique, créatrice d’emplois, portée par un grand nombre d’entreprises, pour la plupart petites et moyennes, qui concourent à une part importante du PIB européen… Face aux crises et aux efforts d’adaptation qu’elles nous imposent, il est de la responsabilité, pour les pouvoirs publics, de soutenir et d’accompagner les professionnels du tourisme.

A l’occasion de son 26e colloque européen, et à travers le thème du tourisme, EUROPA-ONG entend, comme à son habitude, dépasser le simple questionnement d’une politique publique pour interroger notre rapport au monde et à notre époque : les politiques publiques du tourisme reflètent un modèle de société dont nous mesurons aujourd’hui la fragilité, et, à travers lui, notre vulnérabilité. Mais nous prenons également conscience, dans le même temps, de notre capacité d’agir dans le sens d’un plus grand respect, à la fois des espaces naturels et des hommes qui les occupent. L’étude des politiques publiques du tourisme est en ce sens une invitation à s’interroger sur nos pratiques, sur nos manières d’agir face aux autres, dans d’autres territoires et d’autres pays.


Programme

Séance introductive – Entre effets de mode et transformations profondes, penser autrement le tourisme : le tourisme en quête de sens

Le tourisme n’a jamais cessé, dès son origine, d’évoluer, suivant en cela les transformations de la société : évolution des publics, des activités touristiques, de la manière de les pratiquer, leur diversification répondant à des attentes plus nombreuses (développement du tourisme « de masse » avant qu’il ne soit pointé du doigt et mis en question pour les conséquences qu’il engendre : dégradation des sites naturels, surexploitation, saturation des zones touristiques, conflits avec les habitants, les populations locales…) et plus spécifiques (le tourisme urbain, le tourisme de patrimoine, l’œnotourisme, dark tourisme, « doomsday » tourisme…).

Les transformations qui affectent aujourd’hui les activités touristiques portent sur la manière de voyager et de découvrir le monde : le tourisme alternatif s’est ainsi développé en réponse aux dérives du tourisme de masse, consumériste, tel qu’il s’est illustré dans la seconde partie du XXème siècle : le tourisme durable, le tourisme responsable, l’écotourisme, le tourisme équitable, le tourisme solidaire, le tourisme participatif, le tourisme d’aventure… En retour, comment le tourisme transforme-t-il notre regard sur le monde ?

Séance thématique n°1 : Gouvernance du tourisme ou gouvernance des destinations ? Les dynamiques territoriales à l’œuvre en matière de tourisme

On entend généralement par gouvernance « l’ensemble des arrangements formels et informels entre intérêts privés et publics, à partir desquels sont prises et mises en œuvre les décisions » (Le Galès P., Tatacher N., 1995, Les réseaux de politique publique : débat autour des policy networks, L’Harmattan, Paris). La gouvernance du tourisme illustre parfaitement ce paradigme. Elle présente un caractère atypique par rapport aux compétences appartenant aux autorités publiques dans les autres domaines de l’action publique : ici ce sont les autorités locales (historiquement les communes, en matière d’urbanisme touristique ; aujourd’hui les régions en qualité d’autorités cheffes de file) qui sont aux avant-postes, sachant que leurs compétences multiniveaux sont venues fragmenter l’action publique au risque de la rendre illisible. Pour autant, elle se doit d’associer à la conception et à la mise en œuvre des actions en matière de tourisme les acteurs privés, socio-économiques, les filières économiques… A cet égard, il convient de ne pas négliger la place des plateformes numériques intervenant dans le domaine des loisirs et du tourisme : Airb’nb ; Google ; Waze…

Dès lors, comment la nécessaire coordination entre acteurs publics et privés est-elle assurée ? A quel niveau d’intervention publique ? A travers quels outils ? La région, qui joue un rôle pilote dans ce domaine, fixe un cadre et oriente l’action des différents acteurs à travers le volet tourisme du SRDEII. Mais d’autres outils existent, comme les contrats de destination, qui ont pour objet de « fédérer les acteurs impactant une même destination : ceux notamment liés au transport, à l’hébergement ou à la restauration, aux activités de loisirs ou culturelles, à la promotion, l’information ou l’accueil… ».

Par ailleurs, la gouvernance du tourisme se doit d’intégrer un autre acteur : les citoyens, les habitants, dont la participation est indispensable pour garantir l’acceptabilité sociale des activités touristiques ; l’implication des populations dans l’accueil et plus particulièrement l’implication des enfants dans la démarche de développement touristique est une préoccupation centrale qui rejoint celles liées au marketing, à l’éthique au cœur des activités touristiques, à savoir l’intégration des usagers de demain. Les parcs régionaux sont également un outil intéressant pour fédérer les acteurs à l’échelle d’un territoire, partager et diffuser des pratiques, des valeurs…

Ceci pose bien entendu la question de la cohérence des territoires de tourisme. Finalement, l’enjeu serait tout autant la gouvernance du tourisme en tant qu’activité économique que la gouvernance des destinations permettant de mobiliser les acteurs d’un même territoire touristique.

Séance thématique n°2 : Préparer aujourd’hui le tourisme de demain ?

Un tourisme éthique et responsable doit tout autant respecter les hommes que les territoires :

Un tourisme territorialement responsable : comment respecter les territoires tout en développant l’offre touristique ? Le développement d’un tourisme de masse a eu pour conséquence de créer de profonds déséquilibres entre les zones à très forte attractivité touristique (littoral pour l’essentiel) ou à certains moments de l’année (tourisme hivernal de montagne) et les autres.  Comment lutter contre le « sur-tourisme » et la saturation des espaces touristiques (et des populations) ? Comment les acteurs en charge du pilotage de la politique publique du tourisme prennent-ils en compte ces déséquilibres, et entendent-ils y remédier ? Comment promouvoir un tourisme écoresponsable qui s’adapte au changement climatique et aux nouvelles attentes des clientèles touristiques ? Si l’ambition de concilier tourisme et développement durable impose d’agir dans de nombreux secteurs d’activités, l’énergie et des transports sont ceux sur lesquels l’accent doit être plus particulièrement porté : comment adapter la politique des transports à un tourisme que chacun souhaite durable ?

Un tourisme socialement et humainement responsable : comment développer un tourisme inclusif, ouvert à tous ? Deux orientations semblent guider l’action des pouvoirs publics en la matière : développer un tourisme adapté, l’accès aux loisirs et au tourisme pour les personnes en situation de handicap… ; développer un tourisme « social et solidaire », un tourisme pour tous. Cette dernière orientation implique de promouvoir l’intégration, l’inclusion, la solidarité, la justice sociale et une redistribution équitable des bénéfices et des ressources disponibles.

Séance thématique n°3 : Accompagner la transition des opérateurs touristiques vers un tourisme durable

Les mutations à l’œuvre dans le secteur touristique dépassent les simples ajustements et nécessitent, par leur ampleur et la rapidité de leur mise en œuvre, un accompagnement important des pouvoirs publics ; dès lors, il s’agit pour ces derniers d’orienter, de soutenir la transition des opérateurs publics et privés sur le volet économique, social et environnemental, notamment dans un contexte post-covid. L’action des pouvoirs publics semble être orientée en direction de deux priorités :

  • Faire de la transition touristique une occasion de renforcer les compétences des acteurs du secteur à travers, notamment, le renforcement de la qualité des infrastructures touristiques, le développement de nouveaux métiers, de nouvelles compétences chez les professionnels du tourisme, la transformation numérique de la filière tourisme au service de sa compétitivité, et la digitalisation du tourisme…
  • Faire de la transition touristique une occasion de renforcer l’attractivité des territoires par la mise en marque des territoires et la labellisation, par la valorisation du patrimoine naturel et culturel, en s’engageant dans la transition environnementale.

Plusieurs questions se posent quant à la transition des opérateurs touristiques :

  • Comment mesurer, évaluer la transition touristique des opérateurs économiques ? Quels indicateurs et outils dédiés au pilotage de l’empreinte écologique à la disposition des filières et des entreprises du tourisme ?
  • Quel rôle pour les opérateurs de l’État : ADEME, Office français pour la biodiversité ; CDC Biodiversité ?
  • Quel rôle pour les filières économiques ?
  • Comment les autres politiques publiques intègrent-elles les enjeux liés à la transition touristique ?
  • Quels sont les freins, les obstacles ?

Au final, les objectifs inscrits au cœur des politiques publiques du tourisme sont-ils conciliables avec le développement de ce secteur d’activité ? Certains territoires touristiques mettent en place des quotas (Corse, pour certains sites ; Venise) ; la présence massive de touristes provoque des phénomènes de rejet de la part des habitants… Faut-il, pour accompagner la transition des opérateurs touristiques, les orienter vers une diversification de leur activité économique ? Transition touristique va-t-elle de pair avec diversification économique ?

Rapport de synthèse : Hélène PAULIAT, Professeur de droit public (OMIJ-Limoges), Présidente d’EUROPA, Présidente Honoraire de l’Université de Limoges