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2017 – L’accueil des réfugiés et des migrants dans les sociétés européennes – Défis, enjeux et approches de solutions

Jeudi 1er juin 2017 , Conseil de l’Europe – Bât. AGORA – 1, quai Jacoutot, Strasbourg


La politique en matière d’asile et de réfugiés est actuellement un des sujets primordiaux en Europe. Outre la tragédie humaine que représentent les flux migratoires, se pose la question de l’accueil dans les différents pays. Une fois les personnes réfugiées arrivées dans leur pays de destination ou de transfert, elles sont en général dirigées vers des centres d’accueil avant d’être accueillies dans les communes.
Bien que les communes soient dotées d’un certain soutien financier, qui peut toutefois beaucoup varier, elles sont souvent loin de disposer de tous les moyens nécessaires. Cela concerne les ressources financières, mais également les infrastructures et le personnel. A cela s’ajoute l’urgence avec laquelle il faut souvent agir.

La crise des réfugiés pose ainsi une série de défis d’ordre politique, sociaux et juridique :

  • Les défis politiques et sociaux liés à l’afflux massif de réfugiés et de migrants en Europe concernent leur accueil et par conséquent l’acceptation de leur présence sur le territoire national par les citoyens européens ; dès lors ce sont les politiques de prise en charge, notamment sociale, et d’intégration des Etats qui sont mises au défi du phénomène migratoire que représentent réfugiés et migrants. Ces politiques de prise en charge et d’intégration passent par l’accès aux dispositifs nationaux d’accueil (hébergement ; aide sociale), mais également par la scolarisation, l’apprentissage et la formation, les échanges interculturels, la participation à la vie locale… Ce processus d’intégration relève par ailleurs tout autant de l’action des pouvoirs publics que de celle de la société civile.
  • Les défis juridiques concernent quant à eux la capacité des Etats à mettre en place des procédures administratives d’accueil des réfugiés et des migrants qui concilient tout à la fois hospitalité et solidarité avec ceux qui ont fuis la guerre, les persécutions ou la misère, sécurité, dans un contexte marqué par la multiplication des actes de terrorisme sur le sol européen, et équité dans la répartition de l’effort d’accueil des réfugiés entre les différents pays européens. Les défis juridiques sont également ceux de l’articulation entre les différentes strates d’intervention publique, dans la coordination de l’action de l’Etat et des collectivités territoriales, singulièrement des communes, qui sont les premières concernées par l’arrivée des réfugiés sur le sol des pays européens.

Quels sont les principaux défis en matière d’accueil de réfugiés et de migrants en Europe, et de quelle manière les différents niveaux des pouvoirs publics, le parapublic et la société civile peuvent-ils contribuer à un accueil respectueux, sûr et efficace ? Quels peuvent être les enseignements tirés d’une comparaison au niveau européen ? Quelles sont les bonnes pratiques et comment peuvent-elles, le cas échéant, être transférées d’un contexte national à un autre ?

C’est donc à toutes ces interrogations qu’EUROPA, en partenariat avec la Conférence des OING du Conseil de l’Europe, l’Euro Institut de Kehl, le Pôle Européen d’Administration Publique, et avec le soutien du CNFPT ont souhaité apporter une réponse et un éclairage européen en organisant le 1er juin 2017, au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, un colloque sur le thème :

“L’accueil des réfugiés et des migrants dans les sociétés européennes : Défis, enjeux et approches de solutions”.

Ce colloque, qui a connu un très grand succès, a réuni plus de 200 participants.


Le réseau EUROPA était mobilisé au travers de la participation à cette conférence de 4 de nos experts :

  • Giuseppe BETTONI, 1er Vice-présent et membre du conseil scientifique d’EUROPA, représentant l’Italie,
  • José Manuel RUANO de la FUENTE, Président du Conseil scientifique d’EUROPA, représentant l’Espagne,
  • Stella KYVELOU, membre du Conseil scientifique d’EUROPA, représentant la Grèce,
  • Antoniy GALABOV, Vice-président d’EUROPA, membre du Conseil scientifique d’EUROPA représentant la Bulgarie.

Margot BONNAFOUS, Vice-présidente et membre du Conseil scientifique d’EUROPA, représentant l’Allemagne, responsable de l’organisation de cette manifestation, Michel SENIMON et Christophe BONNOTTE, respectivement Délégué général et secrétaire général d’EUROPA, complétaient le panel des experts EUROPA.

Michel SENIMON après avoir rappelé les raisons du choix de l’accueil des migrants et des réfugiés comme thème cette conférence, un thème a priori éloigné des questions dont traite EUROPA habituellement, a souligné combien ce sujet révèle aujourd’hui tout à la fois une crise du droit, du droit international et des droit nationaux, et une crise des Etats, en tant que forme traditionnelle d’exercice de l’action publique, dans la mesure où les concepts traditionnels qui le définissent (la frontière ; le principe de territorialité définissant les limites d’exercice des compétences et de la souveraineté nationale) se révèlent aujourd’hui, sinon disqualifiés, tout au moins dépassés.

A ces propos introductifs ont succédé ceux de Valérie WOLFF, Chargée de recherche à l’ESTES Maître de conférences à l’Université de Strasbourg, qui, à l’occasion d‘un exposé consacré à présenter les procédures administratives d’accueil des migrants et réfugiés a souligné toute la subtilité et l’ambiguïté qui entoure des notions juridiques – celles de migrants et de réfugiés –qui se révèlent pour partie inopérantes dans le contexte actuel marqué par des flux continues et massifs de personnes déplacées cherchant refuge en Europe. A l’impuissance du droit cherchant à catégoriser des personnes dont les situations échappent à la rationalité juridique, s’ajoute la complexité kafkaïenne des procédures d’accueil et d’hébergement des personnes déplacées, qui font intervenir des catégories d’acteurs extraordinairement variées : des acteurs publics, relevant de niveaux d’intervention différents – Etat ; collectivités territoriales : régions, mais surtout départements et communes – des acteurs privés, certains agissant sous couvert des autorités publiques – CIMADE – mais également des citoyens, regroupés en associations ou intervenant de manière plus isolée…

Les experts du réseau EUROPA sont intervenus au terme de ces présentations pour illustrer la question de l’accueil des migrants et des réfugiés en Espagne, Grèce, Bulgarie et Italie :

En Espagne, après une tentative, infructueuse, visant à articuler la politique d’immigration aux fluctuations du marché du travail et à l’évolution des besoins de main d’œuvre, les pouvoirs publics ont mis en place des mesures de retour volontaire des immigrés dans leur pays d’origine, assorties d’une politique de lutte contre l’immigration irrégulière par un renforcement des contrôles aux frontières, visant à dissuader les candidats à l’immigration : cet ensemble de mesures très sévères à l’égard des migrants expose ces derniers à des risques de violation de leurs droits. Par ailleurs, le durcissement de la politique d’immigration pousse les candidats à l’exil à prendre de plus en plus de risques, à s’exposer à des dangers redoutables pour leur sécurité et leur vie.

La situation de la Grèce se caractérise par l’importance du nombre de réfugiés et de migrants qui franchissent ses frontières : environ 850 000 réfugiés et migrants sont ainsi arrivés en Grèce en 2015, (contre 41000 en 2014) principalement par le franchissement de la frontière maritime avec la Turquie. Pour 2016 les arrivées de réfugiés ou des migrants s’élevaient à 171 496 dont 58 % sont enregistrés dans l’île de Lesbos. Parmi eux, 40 % sont des hommes, 21 % des femmes et 38 % des enfants. Afin de prendre en charge ces personnes, 54 structures et lieux d’accueil ont été créées qui accueillent 53.293 personnes. 7 structures ont été mises en place dans les îles de l’Egée orientale (Lesbos, Chios, Samos, Leros et Κos ; 2 à Rhodes et à Kalymnos) ; 47 en la Grèce continentale.

Selon le HCR, les conditions qui règnent dans certains des lieux d’hébergement sont de niveau inférieur par rapport au minimum des standards prévus et dans plusieurs cas, le nombre de personnes hébergées dépasse significativement les capacités d’accueil. Dans la majorité des structures on rencontre :

  • Un manque d’espaces de loisirs disponibles pour les enfants,
  • Une incapacité à fournir des services de conseil sur les questions de regroupement familial, de soutien psychosocial et juridique et des mécanismes de soutien pour les questions de violence et les enfants non accompagnés….
  • Un manque d’information sur la migration, sur les questions d’asile, sur les services d’alimentation et de santé, sur les services locaux ou les ONG.

Le financement de ces actions est assuré par le Fond Européen d’Asile de Migration et d’Intégration (AMIF) et par le Fonds Européen de Sécurité Intérieure. Ces sources et modes de financement ont suscités un certain nombre de difficultés induites : en effet, et alors même que les régions et les communes n’ont pas d’accès aux fonds de l’AMIF, le sommet européen de mars 2016 a autorisé la Commission à verser directement des aides communautaires aux ONG. Or un rapport confidentiel de FRONTEX mentionne l’existence d’activités illégales concernant la captation de subvention par des ONG exerçant une activité fictive et ne disposant pas des moyens humains et matériels nécessaires à leur action.

La Bulgarie connaît le même développement des activités criminelles qui prospèrent à la faveur des mouvements de populations, poussées hors de leur pays par la guerre et la pauvreté. En outre, les pouvoirs publics jouent des déséquilibres et des tensions que ces mouvements font naître au sein de la société bulgare : Antonyi GALABOV a ainsi dénoncé à l’occasion de sa présentation une véritable instrumentalisation de la peur suscitée par l’arrivée massive de migrants et de réfugiés sur le territoire Bulgare. Mais dans le même temps, ces circonstances ouvrent la voie à une véritable réflexion sur la communauté et l’identité nationale en Bulgarie, et sur la redéfinition du concept de « nation politique ».

L’exemple offert par l’Italie, en matière d’accueil des migrants et des réfugiés montre une voie qui se révèle prometteuse. En effet, les communes ayant répondu à un appel à peuvent accueillir sur leur territoire un petit nombre de personnes, afin de garantir le plus efficacement leurs chances d’intégration : ce dispositif prend le nom de « Système de protection des demandeurs d’asile et réfugiés » (Sprar) : l’ objectif principal de ce dispositif est le renforcement des capacités des bénéficiaires, pour lesquels un projet individuel spécifique est défini et mis en œuvre par une équipe multidisciplinaire qui collabore et s’assure de la bonne coordination avec les acteurs et les services locaux afin de favoriser l’intégration sociale des bénéficiaires. Les bénéficiaires sont soutenus par un médiateur linguistique et reçoivent de l’aide pour accéder aux services sociaux, de santé et d’éducation. Toutefois, il n’y a pas suffisamment de places pour répondre aux besoins, d’autant plus que l’Italie voit augmenter le nombre de nouveaux arrivants – migrants et réfugiés, à héberger.

Pour sa part Christophe BONNOTTE est intervenu pour souligner que l’ambiguïté n’est pas la caractéristique des seules notions de migrants ou de réfugiés : elle s’attache également  à la notion d’intégration en raison de la confusion sémantique et conceptuelle qui l’entoure et que le Haut-Conseil à l’Intégration (bilan de la politique d’intégration 2002-2005) : « l’intégration n’est pas l’assimilation ou l’insertion, mais la participation de tous, et non seulement des Français issus de l’immigration, à l’espace public de la communauté nationale. Intégrer, au sens contemporain du terme, c’est permettre à un individu d’acquérir ou de retrouver une capacité à se considérer comme membre d’un groupe. Intégrer, c’est sémantiquement et politiquement le contraire de « séparer ».

L’intégration présente dès lors un ensemble de caractéristiques :

  • Elle ne se limite pas dans la définition qui en a était donnée aux seuls réfugiés, étrangers bénéficiant de la protection internationale, migrant mais en toute personne en rupture de ban, en situation de fragilité ou de vulnérabilité
  • L’intégration n’est pas à sens unique : elle suppose un effort réciproque de l’Etat d’accueil et des personnes déplacées
  • L’intégration a une dimension politique, sociale, culturelle, économique, civique… pas seulement humanitaire : elle présuppose l’adhésion aux principes et aux valeurs de l’Etat d’accueil.

La notion d’intégration est un peu occultée ou masquée par l’attention portée à la question de l’accueil des réfugiés et des migrants (paquet « Accueil » 2003 et 2013).

Partout l’intégration englobe et dépasse l’accueil : elle l’englobe parce que l’accueil est une condition de l’intégration ; elle le dépasse parce que l’intégration déborde la seule question des conditions matérielles d’accueil.

Les principales finalités de la politique d’intégration, découlent de ces grandes caractéristiques :

  • Construire des parcours d’intégration pour les nouveaux arrivants.
  • Assurer la promotion sociale, professionnelle et culturelle,
  • Agir contre les intolérances et les discriminations et pour l’Égalité des droits.

Au terme de l’effort de clarification des notions en jeu l’exposé s’est attaché à répondre aux trois questions suivantes :

  • Quel est le périmètre de l’intégration ? Concerne-t-elle seulement l’accueil, les conditions d’hébergement ? S’étend-elle à d’autres dimensions, telles que l’accès à l’éducation, à la formation, à l’emploi ? Quelle est la place de l’accès à la culture, aux échanges interculturels en tant qu’ils constituent un volet de l’intégration ?
  • Quels sont les bénéficiaires de l’intégration ? Les obligations à la charge des pouvoirs publics varient en fonction des statuts des personnes déplacées : migrants ou réfugiés, tous n’ont pas accès aux mêmes dispositifs d’intégration. Pourtant ce qui apparaît comme la caractéristique commune à tous, c’est la vulnérabilité à laquelle le Conseil de l’Europe attache de plus en plus de conséquences juridiques.
  • Qui sont les acteurs de l’intégration ? Les acteurs publics, certainement dans le cadre d’une coproduction des politiques d’intégration qui n’est pas exempte de tension et de conflictualité. Mais quelle est la place des ONG, des associations, des « simples » citoyens ?

Cette journée d’étude s’est refermée sur le rapport de synthèse de Jean-Michel CAUDRON, membre du Bureau de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe et représentant de la Conférence des OING au Bureau du Comité exécutif du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe, qui a rappelé l’importance du rôle joué par la société civile et les ONG dans le processus d’intégration des migrants et des réfugiés, dans la lutte contre les stéréotypes, la dissipation des malentendus, des fausses-représentations à l’égard de l’immigration. Il a également appelé à des relations de solidarité plus fortes, non seulement entre les Etats européens, en ce qui concerne la gestion de la question des réfugiés, mais également entre pays des deux rives de la méditerranée afin que celle-ci soit « un bassin de mer reliant les peuples et non une mer-cimetière… ».


Programme

8:30 Accueil des participants

  • Café d’accueil

9:00 Ouverture du colloque

9:30 Introduction

9:45 Panel 1 – L’arrivée des migrants en Europe et les procédures administratives en matière d’accueil dans différents pays européens

Animation : Margot BONNAFOUS, Euro-Institut

  • Markus ROTHFUSS, Regierungspräsidium Karlsruhe, Leiter Referat 93
  • Valérie WOLFF, Maître de conférences associée en sociologie, ESTES – École Supérieure en Travail Éducatif et Social de Strasbourg
  • Stella KYVELOU, Panteion University, Athènes

10:45 Pause

11:00 Panel 2 – L’interaction des différents échelons des pouvoirs publics et autres acteurs en matière d’accueil des migrants/réfugiés

Animation : Christophe BONNOTTE

  • Alexandra ROTH, chef du service de migration, Ortenaukreis
  • Jose-Manuel RUANO, Université Complutense, Madrid
  • Giuseppe BETTONI, Université Tor Vergata, Rome
  • Antonyi GALABOV, New Bulgarian University, Sofia
  • Mechthilde FUHRER, Secrétaire Exécutive Adjointe de l’Accord EUR-OPA Risques Majeurs du Conseil de l’Europe

12:30-14:30 Pause déjeuner

14:30 Panel 3 – Les politiques d’intégration mises en œuvre dans les différents pays  

Animation : Michel SENIMON, EUROPA

  • Arne SCHOLZ, Ville de Freiburg, service pour la migration et l’intégration, Allemagne
  • Pr. Rachid BENNEGADI, Président élu de l’Association Mondiale de Psychiatrie Sociale (World Association of Social Psychiatry : WASP), Médecin référent du Centre Minkowska, Paris
  • Régis BRILLAT, chef du service de la Charte sociale europénne, Direction Générale des Droits de l’Homme, Conseil de l’Europe
  • Christophe BONNOTTE, Secrétaire Général d’EUROPA, Université de Limoges

16:00 Pause

16:15 Panel 4 – La contribution de la société civile en moment de crise

Animation : Jean-Michel CAUDRON

17:45 Allocution finale

18:00 Fin du colloque