Sur la page d’accueil du site internet des Nations-Unies dédiée à l’eau, voici les chiffres qui apparaissent :
L’Assemblée générale des Nations-Unies a adopté, le 28 juillet 2010, une résolution intitulée « Le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement », dans un contexte changement climatique de plus en plus menaçant qui pose la question de l’avenir même de la planète…
Quelles politiques publiques de l’eau pour demain, dans le contexte que nous connaissons désormais de bouleversement climatique, d’urbanisation forcée, mais aussi et surtout de pollutions de toutes natures, d’emplois fréquents de pesticides, parfois suspendus, parfois autorisés à nouveau, comme nous avons pu le constater en France avec les néonicotinoïdes pour sauver les cultures de betteraves… La journée a montré que l’eau est une ressource qui est au cœur de nombre de politiques publiques, mais au-delà des éléments techniques qui conduisent à surveiller la qualité de l’eau, sa correcte distribution, etc…il est indispensable de la considérer comme une ressource, dont le caractère précieux s’affirme chaque jour, au plan national comme au plan international. L’eau n’est pas un bien comme les autres, ce n’est pas une marchandise comme les autres ; elle fait partie de notre patrimoine commun, qu’il faut préserver pour les générations futures.
Il a beaucoup été question de territoire ; il a été rappelé à plusieurs reprises que le territoire doit devenir résilient vis-à-vis de l’eau, c’est-à-dire un territoire qui anticipe les conflits d’usage, qui sait trouver des solutions innovantes ; et une vraie réflexion doit être engagée sur l’attractivité du territoire, car l’appréhension de cette notion par le prisme de l’eau change considérablement la donne. L’on a coutume d’observer en effet qu’un territoire est attractif car il offre de l’emploi, des bâtiments pour vivre, un dynamisme économique ou industriel, tous éléments qui consomment beaucoup de ressources fossiles et de l’eau. Mais à l’avenir, le territoire attractif ne sera-t-il pas celui qui sait le mieux gérer l’eau, offrir des perspectives différentes en replaçant cette ressource au cœur des politiques publiques territoriales, en préservant les écosystèmes ? La révolution écologique et économique est probablement en marche dans ce domaine et il ne faudra pas rater le virage historique qui se profile déjà… La question centrale devient bien celle de la disponibilité de l’eau : l’eau est un bien particulier, une ressource qu’il faut préserver pour assurer les besoins quotidiens de l’homme, et c’est la raison pour laquelle, en droit français par exemple, nul ne peut subir une coupure d’alimentation en eau, même s’il ne peut payer ses factures, alors qu’il peut subir des coupures d’énergie en dehors des périodes hivernales ; les textes consacrent ainsi un véritable droit à l’eau, nouveau droit social en lien direct avec le principe de dignité de la personne humaine. L’accès à l’eau est une condition préalable à l’exercice de tous les droits fondamentaux (15 pays ont inscrit le droit à l’eau dans leur Constitution). C’est aussi un bien que les pouvoirs publics ont traité de manière spécifique par des expérimentations en matière de tarification sociale (chèque eau par exemple, pour aider les foyers les plus vulnérables). Mais l’eau est aussi un bien symbolique, l’histoire, rappelée aujourd’hui, l’a montré ; l’eau, c’est la vie, la pureté, ce qui permet aux cultures de se développer…
Et ce n’est pas un hasard si le colloque EUROPA sur ce thème de l’eau se tient à Limoges, la communauté urbaine Limoges Métropole ayant lancé le grand projet de territoire en transition hydrique, ce qui implique des évolutions majeures sur le cycle de l’eau… Ces réflexions amènent à un constat : la transition ne se discute pas vraiment ; désormais la question n’est pas est-ce que l’on doit penser à la transition, mais quand doit-on la faire et comment ? Les interventions ont été nombreuses et ont mis en évidence des exemples très édifiants, des pratiques originales… La journée a ainsi permis de montrer que la cohérence des politiques publiques de l’eau est recherchée (I) et que la qualité des ressources en eau est nécessaire (II).
Cette cohérence est indispensable pour que les politiques publiques de l’eau puissent faire sens, et ce quel que soit le pays européen concerné. Une telle cohérence peut être obtenue malgré la diversité des modes de gestion des services d’eau (A), grâce à une nécessaire globalisation des compétences (B).
La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, indique qu’il est nécessaire d’établir une politique communautaire intégrée dans le domaine de l’eau (point 9). Ce texte fixe un certain nombre de principes dans le domaine de la gestion de l’eau par chaque Etat membre, dans la perspective de la réalisation d’objectifs européens communs. Il souligne que l’approvisionnement en eau constitue un service d’intérêt général et insiste sur la logique qui doit animer la gestion des services d’eau : « L’utilisation d’instruments économiques par les États membres peut s’avérer appropriée dans le cadre d’un programme de mesures. Il convient que le principe de la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour l’environnement et les ressources associés aux dégradations ou aux incidences négatives sur le milieu aquatique soit pris en compte conformément, en particulier, au principe du pollueur-payeur. Il sera nécessaire à cet effet de procéder à une analyse économique des services de gestion des eaux, fondée sur des prévisions à long terme en matière d’offre et de demande d’eau dans le district hydrographique » (point 38). Une définition est même donnée des services liés à l’utilisation de l’eau : « tous les services qui couvrent, pour les ménages, les institutions publiques ou une activité économique quelconque: a) le captage, l’endiguement, le stockage, le traitement et la distribution d’eau de surface ou d’eau souterraine; b) les installations de collecte et de traitement des eaux usées qui effectuent ensuite des rejets dans les eaux de surface ». Le droit européen retient donc une définition large de ces services, justifiant une réflexion approfondie quant au mode de gestion à retenir pour assurer une gestion cohérente de ce service.
Les pays européens offrent en la matière une grande diversité, le choix des modes de gestion relevant de chacun au titre du principe de subsidiarité. La gestion publique est utilisée, mais certains recourent à la gestion déléguée ou encore à une gestion privée. L’on rencontre des hypothèses diverses, certains Etats faisant le choix de recourir, pour certains aspects de la gestion, à une structure publique, pour d’autres à une gestion privée ; la gestion privée directe ne se rencontre qu’en République tchèque et en Grande-Bretagne. Les autres Etats effectuent des choix mixtes. Et l’on a pu montrer que l’efficacité de la gestion du service dépend de la qualité de la coopération entre les différentes entités. Peu importe le mode de gestion retenu, y compris mixte, pourvu que tous les intervenants se coordonnent. L’essentiel est que la responsabilité de chacun soit clairement définie et facile à identifier. Le partenariat public/privé est assez répandu, alliant ainsi la compétence technique du privé, avec une régulation communale ou locale plus largement. Le modèle retenu influe pourtant sur la qualité du service.
Cette diversité des modes de gestion des services d’eau ne paraît donc pas préjudiciable à la qualité du service ; mais les politiques publiques de l’eau nécessitent une globalisation des compétences des différents intervenants.
De nombreux acteurs interviennent dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques de l’eau, à tous les niveaux (1). On a noté cependant, sur cet enjeu, une indéniable revitalisation démocratique (2).
1-Une intervention des différents acteurs à tous les niveaux.
Il serait inutile de les énumérer mais ces acteurs ont été évoqués tout au long de la journée : l’Etat, la région, le département, les établissements publics de coopération, les communes… chacun dispose de compétences propres et spécifiques, tant en termes de programmation et de définition d’une stratégie (Etat), que d’élaboration de schémas et de planification (Région), d’aides aux communes (Département), de prise en charge de l’approvisionnement ou de l’assainissement (EPCI et communes). Les acteurs privés interviennent aussi… Chaque niveau dispose de compétences, en principe fixées par les textes. L’efficacité des politiques publiques de l’eau dépendra donc de la coopération entre les différents acteurs, publics bien sûr, mais aussi entre acteurs publics et privés. Cette coopération doit reposer sur un projet collectif, qui, on l’a souligné à maintes reprises, dépasse largement les frontières administratives ; la cartographie administrative doit laisser place au dialogue entre les acteurs. Dans la construction d’un tel projet, il a été remarqué que l’ingénierie publique de l’Etat a nettement décru, tandis que l’ingénierie publique des collectivités territoriales s’est notablement renforcée. Le projet s’élabore entre acteurs, grâce à un regroupement qui permet une masse critique en assurant une mise en œuvre efficace.
Mais si le dialogue entre acteurs est essentiel, c’est qu’il apparaît comme la condition de la réussite des politiques publiques de l’eau, grâce à une revitalisation démocratique.
2-Une indéniable revitalisation démocratique
Des exemples intéressants ont été notés. Ainsi en France, l’Agence de l’eau est apparue comme réalisant une sorte de décentralisation avant l’heure, avec une gouvernance multi-partenariale, un rapprochement de différents acteurs, et un dialogue local intense. Mais l’exemple le plus significatif est peut-être celui de l’Agence régionale de l’eau aux Pays-Bas, qui constitue une sorte de mélange entre notre Agence de l’eau française et une structure de type intercommunal. La réalisation de tous les projets (politique de l’eau, gestion des infrastructures, les digues…) lui est déléguée. Il existe donc une dimension technique et une dimension territoriale et démocratique, sans doute liée à une histoire néerlandaise particulière : la volonté de trouver des solutions communes pour se protéger de l’eau.
Ce dernier exemple est particulièrement important parce qu’il ouvre la réflexion sur un projet global, cohérent et collectif. Il est clair que la question de l’eau doit être intégrée dans toutes les politiques publiques, et la directive européenne précitée incitait à cette démarche : « Il est nécessaire d’intégrer davantage la protection et la gestion écologiquement viable des eaux dans les autres politiques communautaires, telles que celle de l’énergie, celle des transports, la politique agricole, celle de la pêche, la politique régionale, et celle du tourisme. Il convient que la présente directive fournisse la base d’un dialogue permanent et permette l’élaboration de stratégies visant cet objectif d’intégration ». Il est donc absolument nécessaire aujourd’hui, au regard de la raréfaction des ressources en eau, mais aussi des risques climatiques, des risques liés à la pollution, de mettre fin aux politiques publiques sectorielles et cloisonnées. L’eau doit ainsi être intégrée à toutes les réflexions liées à l’occupation des sols. L’eau est en effet une thématique totalement transverse ; il est illusoire de vouloir construire une cohérence territoriale sans une réflexion en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire qui intègre l’eau. Les pouvoirs publics locaux ont déjà commencé à entamer la démarche de réorganisation des politiques publiques, en s’interrogeant sur d’éventuelles concurrences entre politiques publiques : comment développer économiquement un territoire tout en respectant l’écologie ? Comment développer l’urbanisation tout en protégeant les ressources naturelles et en améliorant l’utilisation de l’eau ? Cette cohérence est encore à construire au niveau national, mais c’est un objectif européen. Il ne doit pas y avoir concurrence entre objectifs des différentes politiques publiques, mais une complémentarité, qu’il faut construire en associant les citoyens à ce projet collectif d’ensemble.
Si l’accès aux ressources en eau est essentiel et doit être pensé au sein des différentes politiques publiques, il est également nécessaire de réfléchir à la qualité de ces ressources.
L’objectif est de garantir la qualité des ressources en eau tout en préservant ce bien commun. C’est la raison pour laquelle une réflexion est indispensable sur les usages de l’eau (A) ; mais l’on remarque également que l’innovation quant aux outils juridiques et politiques pour garantir la qualité de l’eau est indispensable (B).
Comme l’ont souligné plusieurs intervenants, il n’existe pas véritablement aujourd’hui de gestion de l’eau mais une gestion des usages de l’eau. Il est nécessaire d’éviter des conflits d’usage, et éventuellement d’admettre une priorisation des usages de l’eau. Progressivement s’affirme une prise de conscience de la responsabilité des citoyens dans les usages de l’eau (1), mais les acteurs économiques se rendent compte également qu’ils doivent modifier leurs habitudes (2).
1-Une prise de conscience de la responsabilité des citoyens
Les citoyens commencent à modifier leurs pratiques en matière de consommation et d’usage de l’eau, même si des progrès restent à accomplir. Ils prennent progressivement conscience de la rareté de l’eau, de la nécessité de réfléchir au gaspillage… mais sont-ils prêts pour autant à accepter une augmentation des tarifs, permettant d’assurer un cycle vertueux de l’eau ? Cela reste encore à démontrer. La plupart des pays européens ont souligné la montée en puissance des campagnes de sensibilisation des citoyens à la richesse que constitue l’eau, à sa nécessaire préservation, aux enjeux qu’elle représente. Ils sont surtout sensibilisés à l’évolution de l’attractivité des territoires qu’elle engendre. Un territoire sera d’autant plus attractif qu’il pourra mettre en avant un certain nombre d’actions destinées à préserver l’eau, à assurer sa qualité, à identifier les usages prioritaires, à repenser l’urbanisation, les espaces…. La démarche de sensibilisation passe par une identification précise des usages (ville, hôpital, entreprises…) : qui a besoin de l’eau, de quelle manière, en quelle quantité ? L’objectif est aussi de se servir des données numériques pour mieux apprécier les usages de l’eau et réduire les consommations de manière adaptée. Il est aussi nécessaire de gérer ces éléments de manière dédiée en procédant à une sorte de tri sélectif dans le domaine de l’eau également : les traitements de l’eau ne sont pas identiques selon les usages qui en sont faits ; chaque élément doit recevoir le traitement approprié pour éviter tout gaspillage, et l’objectif est de s’engager dans l’optimisation des traitements de l’eau. Cette démarche est évidemment plus aisée lorsque le territoire s’est engagé dans une approche globale de la politique publique de l’eau, en lien avec les autres politiques publiques.
2-Une prise de conscience des acteurs économiques
Les citoyens ne sont évidemment pas les seuls à être sensibilisés aux enjeux que représente l’eau. Les acteurs économiques, les professionnels, les entreprises sont incités à engager une réflexion sur les usages de l’eau et leur nécessaire priorisation. Ainsi les agriculteurs, souvent montrés du doigt pour le gaspillage de l’eau que leurs pratiques entraineraient, sont invités à conclure des contrats de filière, qui leur permettent d’être accompagnés dans leur changement de pratiques. Les entreprises, les collectivités publiques sont ainsi accompagnées dans ces démarches innovantes et résilientes, en lien avec les acteurs des territoires et en s’appuyant sur les agences de l’eau. Les pays européens se sont engagés dans une réflexion sur un ensemble d’objectifs à respecter pour assurer la préservation de l’eau, et assurer la régulation des usages de cette ressource. Mais certains intervenants ont insisté sur le fait que la régulation économique ne devait pas seulement porter sur les tarifs mais aussi sur les coûts, cette régulation pouvant être assurée par l’Etat ou par les instances européennes.
Pour le contrôle de ces objectifs et des engagements pris par les professionnels et les citoyens, une police de l’eau est indispensable, mais il faut la penser avec une organisation particulière et des moyens spécifiques. Elle ne doit pas être conçue comme un outil classique permettant de faire respecter l’ordre public de l’eau, elle doit également intervenir dans la prévention du gaspillage et surtout dans le domaine de la régulation. Mais c’est déjà réfléchir aux nouveaux outils politiques et juridiques.
Dans des domaines où l’évolution est constante, l’expérimentation mérite d’être largement utilisée (1) ; mais la contractualisation semble être une voie de droit pratiquée dans plusieurs pays européens (2).
1-L’utilisation de l’expérimentation
Le constat a été fait à plusieurs reprises au cours de ce colloque : la règlementation est trop complexe, trop invasive, trop détaillée sans nécessairement conduire au respect des objectifs souhaités, on a parlé de sur-règlementation, avec des effets pervers. Le droit européen lui-même ne facilite pas l’émergence de projets nouveaux et de projets communs pour créer une politique globale de l’eau tant les normes sont nombreuses et difficiles à interpréter et à appliquer. Alors qu’il conviendrait de se montrer réactif et innovant, l’enchevêtrement des règlementations et leur excès freinent les initiatives des citoyens et des professionnels et contribuent même parfois à diviser les territoires. L’expérimentation peut permettre de libérer ces énergies et de faciliter les innovations. Elle doit porter à la fois sur les dérogations aux normes existantes et sur la dévolution de nouvelles compétences aux collectivités ou établissements de coopération ; elle devrait également porter sur l’émergence de nouveaux métiers dans le domaine de l’eau, sur de nouveaux services. Parce qu’elle est porteuse de pragmatisme, l’expérimentation peut inciter à l’innovation, à l’élaboration de projets utiles et collectifs, adaptés à la spécificité de chaque territoire, autour des acteurs engagés. Une telle réflexion renforce les solidarités territoriales mais conduit aussi à travailler avec les acteurs géographiques proches, développant ainsi des coopérations transfrontalières, impulsant un début de solidarité internationale.
2-Le développement de la contractualisation
La contractualisation semble particulièrement adaptée à la politique de l’eau ; elle incite mais ne contraint pas. Des dispositifs émergent, destinés à encourager l’évolution des usages, on l’a déjà souligné avec les contrats de filière pour les agriculteurs par exemple ; Mais la plupart des pays européens se sont engagés dans des planifications en matière d’eau, associant les différents acteurs autour d’objectifs et donc de réalisations communs ; les schémas permettent d’assurer un état des lieux, de poser des jalons pour définir le point d’arrivée et les résultats souhaités, là encore en associant les acteurs dans une réflexion collective. Mais l’on a insisté sur le fait que de nouveaux outils sont à inventer pour assurer une flexibilité dans la construction de cette politique publique globale de l’eau. Des labels sont aussi mis en place pour valoriser les bonnes pratiques, toujours dans la perspective de la mise en place de territoires résilients. L’allocation des moyens doit être en lien avec ces engagements, pour préserver la quantité et la qualité de la ressource. La police de l’eau est alors à revoir ; elle ne doit pas, encore une fois, être vue comme seulement liée au maintien de l’ordre public de l’eau, au respect de la sécurité de l’eau et de la sécurité écologique. Elle doit aussi contribuer, un peu à l’image des évolutions que l’on connaît en matière de police administrative générale, à un « bien vivre ensemble de l’eau », préservant l’avenir. Elle doit être revue autour des enjeux collectifs, au plan territorial, national et international. Les enjeux des politiques publiques de l’eau ne sont pas limités au territoire national, puisque l’on sait que de nombreux pays s’interrogent sur leur accès à l’eau, bien loin des préoccupations de qualité et de régulation des usages. Mais il est sans doute prématuré d’envisager la création d’une police internationale de l’eau…
Penser aux politiques publiques de l’eau, c’est penser à l’avenir, aux générations futures ; c’est penser autrement l’industrialisation, l’urbanisation, l’agriculture mais aussi l’éducation, la vie ne commun. Construire un territoire résilient, ensemble, et partager les bonnes pratiques avec les autres pays, c’est aussi cela faire de la politique !
Les politiques publiques sur l’eau peuvent avoir un impact très fort sur l’empreinte eau de l’industrie.
L’observation d’Arkema, chimiste leader dans les matériaux de spécialités et les adhésifs, opérant plus d’une centaine d’usines dans le monde, dans une trentaine de pays, mérite d’être partagée.
A la faveur du programme « Optim’O », lancé en 2016, visant à optimiser sous tous ses aspects l’usage de l’eau et réduire l’empreinte hydrique dans nos sites industriels dans le monde, on le constate très clairement au travers des analyses internes et la cartographie de l’eau, conduites annuellement.
Par exemple, tous types de productions confondus :
Bien sûr, l’ancienneté des usines, la diversité de leurs productions et de leurs environnements hydriques affectent ces chiffres.
Néanmoins, cela n’explique pas tout. D’autres facteurs influencent grandement la performance hydrique, au premier rang desquels la réglementation applicable à la conception et à l’exploitation des usines, sans oublier la culture et la sensibilité de leurs exploitants envers les sujets environnementaux, très diverses selon les pays.
Une analyse plus fine, comparant entre elles des usines d’un même domaine d’activité, implantées dans différents pays, montre que, pour la plupart des domaines, le site asiatique, généralement chinois, montre la plus faible empreinte hydrique :
On observe de fait des situations réglementaires très contrastées dans les 3 principaux pays où se trouvent ces usines :
Au final, cette analyse met en lumière :
A ce jeu-là, certains pays d’Asie, en particulier la Chine, progressent vite. Les usines de ces pays deviennent le laboratoire industriel de l’efficacité hydrique. Ce sont celles où l’on promeut les technologies plus poussées de réduction des usages, de réutilisation et de moindre pollution de l’eau. Ce sont donc bien sûr celles affichant les meilleures performances, pas seulement hydriques, montrant la voie à leurs collègues européens et américains.
Les progrès affichés pourraient même devenir un avantage compétitif, le jour où les performances environnementales deviendront également un critère de choix pour nos clients, en particulier à travers la pression croissante des agences de notation de la Responsabilité Sociétale des Entreprises.
Plutôt que d’être strictement contraignantes, ces politiques publiques de l’eau doivent donc être bien sûr ambitieuses, mais surtout en pleine cohérence :
Enfin, elles doivent s’appuyer en confiance sur le savoir-faire et l’innovation des industriels.
Jean-Yves ROBIN
Arkema Global Water Project Director
Direction Sécurité Environnement Groupe
Maire pendant 25 ans, Député du Lot durant 19 ans je préside aujourd’hui le comité national de l’eau (institutionnel) et le Partenariat Français pour l’Eau (associatif). La présente synthèse repose sur l’écoute exhaustive de tous les intervenants de cette journée, croisée avec mon vécu du sujet de l’eau…
Devant les maires de France réunis en congrès en novembre 2017, le Président de la République Emmanuel Macron annonçait la tenue d’assises de l’eau, qu’il justifiait par le sous investissement des collectivités locales alors que le besoin d’un renouvellement massif des canalisations d’eau était constatable. Julie Eissen (ICAPE) a fait l’historique du développement des infrastructures d’eau potable, rappelé le nécessaire amortissement des ouvrages (M49), constaté que de nombreux réseaux étaient en fin de vie. Pour rebondir sur son intervention, permettez moi de rappeler deux éléments :
Mais je partage avec le représentant de la Région Nouvelle Aquitaine Henri Sabarot l’idée de l’unité du cycle de l’eau! Dès lors, je n’ai eu de cesse de plaider, au plus haut niveau de l’Etat, la poursuite du processus, une phase 2 qui serait consacrée au grand cycle de l’eau. 4 groupes de travail ont ainsi traité, durant le premier semestre 2019 :
Partageons en conclusion de cette première partie la conviction du Maire de Limoges selon laquelle l’eau est le cycle du vivant !
Permettez moi de saluer la mémoire de Ivan Cheret, récemment décédé, le père de la Loi sur l’eau de 1964 rappelée par Guillaume Choisy ; cette loi qui a institué le système des agences de l’eau comme outils de mise en œuvre des politiques décidées par les comités de bassin, parlements de l’eau. Les SDAGE (schémas directeurs d’aménagement et de gestion de l’eau) sont déclinés dans des programmes pluri annuels ; et c’est dans le cadre des SAGE (schémas d’aménagement et de gestion de l’eau que l’on rentre dans l’opérationnalité sur les territoires. Le problème, que j’ai pointé dans mon rapport remis à Emmanuelle Wargon le 16 mai 2019, c’est qu’une grande partie de l’est de la France n’est pas couvert par des SAGE ; et faute de maitres d’ouvrages identifiés pour les porter, pas d’actions concrètes pour la GEMA (gestion de l’eau et des milieux aquatiques) et pas de PI (prévention des inondations).
Eric Tardieu (OiEau) a pointé la question de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités ; il est vrai que la loi NOTRE n’a pas stabilisé définitivement cette question. L’ancien législateur que je suis a constaté que la loi courrait souvent après les pratiques du terrain et les politiques portées de manière volontariste par quelques élus visionnaires ou tout simplement confrontés à des problèmes locaux . C’est ainsi qu’ont été inscrits dans la loi la reconnaissance des EPTB (Établissements Publics Territoriaux de Bassin), des EPAGE (Établissements Publics d’Aménagement et de Gestion de l’Eau), de la GEMAPI. C’est ainsi que j’ai pu porter l’amendement dit de la représentation – substitution évoquée par Jean Claude Eude, directeur de l’établissement public Loire. L’enseignante Sophie Richard a souligné la tendance à l’intercommunalisation dans la logique de la décentralisation et nous a donné un focus sur la Durance ; de son côté, Brigitte Lardy (VP CD 87) a insisté sur le rôle d’ensemblier (multiples schémas dont celui de l’AEP) que peut jouer l’échelon départemental.
Pierre Bauby, enseignant chercheur à l’université Paris 8, a rappelé les différents modes de gestion de l’eau (DSP ou Régie) et a souligné la nécessité pour lui de reconstituer les compétences techniques en ingénierie. Ingénierie publique certes mais aussi ingénierie privée, comme elle se structure à l’intérieur de la filière française de l’eau (évoquée par le Président de la communauté Urbaine de Limoges). Cette organisation récente prend toute sa place dans le contrat stratégique de filière eau signé en janvier 2019,à l’occasion du carrefour des gestions locales de l’eau à Rennes, dans le cadre d’une réunion plénière et déconcentrée du Comité National de l’Eau.
Dans cette question primordiale de la gouvernance de l’eau, la nécessité d’une approche concertée a été nettement mise en avant par Jean Claude Leblois (Président du CD 87) et confirmée par Jean-Emmanuel Gilbert (Aquassay/ Limoges) : Convaincre les citoyens en expliquant le cycle de l’eau, l’augmentation de la prise de conscience devant enrichir les politiques publiques ! Gérer l’eau de façon responsable peut constituer le départ d’une nouvelle dynamique environnementale. Point que Jacques Ganoulis (réseau international des centres sur la gestion durable des ressources en eau et l’environnement pour les Balkans et la résolution des conflits) résume en en appelant à une gouvernance européenne commune et plus efficace de la gestion de l’eau.
Marie Claire Domont (AEAG) engageait le sujet des moyens en rappelant les redevances affectées ; Philippe Janicot (VP en charge de l’eau à Limoges Métropole) rappelait les solidarités amont/aval et urbain/ rural avant que le débat ne s’ouvre sur la question du prix de l’eau. « Si l’eau n’a pas de prix, elle a néanmoins un coût » disait le Maire de Limoges et Klara Ramm (représentante de la Pologne au sein de l’assemblée générale d’EurEau) de souligner la nécessaire vérité du prix de l’eau par la couverture des coûts. Et je partage l’avis de Julie Eisen (ICAPE) pour qui le prix de l’eau ne doit pas être trop bas mais respecter un coût mesurable et acceptable ; la tarification sociale de l’eau et, en particulier, le dispositif Pass’Eau mis en place par le conseil départemental de Haute Vienne, ont été rappelés.
Ces différents points ont été abordés à travers quatre problématiques :
Le croisement de ces différents enjeux a mis en évidence deux points supplémentaires. D’une part le développement de la data, pointé par J-E Gilbert (Aquassay), avec la nécessité de parier sur la science et le digital, la recherche et l’innovation. D’autre part, les liens entre l’eau et l’urbanisme ; à cet égard l’expression « une eau propre, les pieds au sec », mise en œuvre en Rhénanie (Pays Bas) et rappelée par Valérie Le Gallou (gestionnaire à l’office de l’eau), a constitué une belle image en synthèse qui fut saluée par de nombreux participants.
C’est mon expression favorite. E.Tardieu a dit victime, C.Zalas a fait part d’un constat alarmant, J.C.Leblois du sentiment de l’urgence.
Un focus particulier à été fait sur la température de l’eau. Elle impacte selon moi le premier des usages de l’eau, l’alimentation en eau potable, mais aussi, comme l’a rappelé G.Choisy (AEAG), le fonctionnement de la centrale nucléaire de Golfech.
En conclusion, ce colloque a constitué un véritable état des lieux ; il nous a aussi permis de nous projeter dans l’avenir. L’eau, comme bien public, est un élément fédérateur et cette journée aura permis un panorama complet des compétences et de leurs niveaux d’exercice :
Je vous remercie de votre attention.
Jean LAUNAY
Membre Honoraire du Parlement
Président du Comité National de l’Eau
Président du Partenariat Français pour l’Eau