La silver économie en Europe : retour sur le colloque EUROPA
Ce 20e colloque EUROPA, qui a accueilli plus de 200 participants, a été ouvert par :
- Françoise JEANSON, Conseillère régionale Nouvelle-Aquitaine, déléguée « santé et silver économie »
- Jean-Paul DENANOT, Député européen, co-président de l’intergroupe du Parlement européen « Biens Communs et Services Publics »
- Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Sénatrice de la Haute-Vienne, Présidente du Conseil de surveillance du CHU de Limoges
- Gaston CHASSAIN, Vice-président de Limoges Métropole en charge du développement économique
- Alain CELERIER, Président de l’Université de Limoges
- Jean-Claude LEBLOIS, Président du Conseil départemental de la Haute-Vienne
- Christine JOSSET-VILLANOVA, Administrateur en charge des relations européennes, Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)
- Hélène PAULIAT, Présidente de l’Association EUROPA, Présidente Honoraire de l’Université de Limoges
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Françoise JEANSON
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Jean-Paul DENANOT
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Marie-Françoise PEROL-DUMONT
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Gaston CHASSAIN
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Alain CELERIER
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Jean-Claude LEBLOIS
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Christine JOSSET-VILLANOVA
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Hélène PAULIAT
Il a réuni, autour des experts du réseau EUROPA représentant l’Allemagne, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal et la Slovaquie, quelques-uns des meilleurs spécialistes nationaux de la question (> Article consacré par le journal Le Populaire de Centre).
Cette journée d’étude a débuté par les exposés liminaires de José POLARD, Psychologue clinicien et psychanalyste, co-directeur de la collection « L’âge et la vie », édition Erès et de Serge GUERIN, Directeur du MBA “Directeur des établissements de santé”, INSEEC Paris, chercheur associé au Centre Edgar Morin, enseignant dans le master Politiques Gérontologiques de Sciences Po Paris.
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José POLARD
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Serge GUERIN
Ils ont exposé le phénomène démographique de vieillissement des populations des sociétés industrialisées, et notamment des Etats européens.
Ils ont, à la lumière de ce phénomène, cherché à questionner la notion de silver économie : en effet, cette « notion » se révèle, d’une certaine manière, assez largement artificielle. Elle ne serait que le produit du volontarisme gouvernemental cherchant à convertir un phénomène démographique en un levier de croissance économique.
La notion de « sénior », préférée à tout autre terme (« vieux » ; « personne âgée » ; « troisième âge ») se révèle impuissante à rendre compte de la diversité de situations des personnes qui sont réputées appartenir à cette catégorie. Outre le fait qu’il n’existe aucune unanimité – et qu’il ne peut en exister – sur un âge à partir duquel on appartiendrait à la catégorie des « séniors », ces derniers sont placés dans des situations socio-économiques extrêmement diverses : quel que soit le critère retenu – critère de la santé ; critère économique – il est impossible de parvenir au constat de l’existence d’un groupe homogène.
Dès lors comment penser la silver économie, c’est-à-dire l’ensemble des biens et des services proposés ou plus particulièrement orientés en direction des séniors ? N’est-ce pas là simplement un positionnement marketing – le silver marketing – pour un certain nombre d’acteurs économiques qui ont orienté un partie de leur activité en direction d’un segment spécifique de consommateurs ?
Que nous dit ce mouvement – la silver économie – de nos propres angoisses face au vieillissement ? de l’adaptation de notre société au vieillissement et, mieux encore, aux “vieux” ?
Quel doit être le rôle des pouvoirs publics face à ce mouvement :
- l’accompagner et favoriser sa structuration (ce que le gouvernement français a choisi de faire au travers de la signature en 2013 du contrat de filière silver économie) ?
- laisser le soin à l’initiative privée de définir les services proposés aux séniors, au risque des inégalités générationnelles, sociales et territoriales ?
- s’appuyer sur les structures sociales traditionnelles – la famille – pour apporter une réponse adaptée aux besoins exprimés par les séniors ?
Cet ensemble d’interrogations a ainsi ouvert la voie aux présentations et échanges organisés autour d’une séance introductive et de trois tables-rondes.
La séance introductive a été l’occasion pour Jean-Pierre AQUINO, Gériatre, Délégué général de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG), ancien Président du Comité « Avancée en âge » et Pierre-Marie CHAPON, Directeur Général de VAA Conseil de dresser un état des lieux des questions et des enjeux sociaux, économiques et territoriaux liés à la silver économie.
Si chacun s’accorde sur l’existence d’une « tyrannie du bien vieillir », qui repose très largement sur la mobilisation de moyens en santé publique, les intervenants ont souligné, à l’occasion de cette séance introductive, toute l’importance de développer des stratégies transversales intégrant la nutrition, l’exercice physique, le lien social, la lutte contre le stress, le plaisir… Ces facteurs interagissent entre eux et peuvent modifier le parcours de vie d’un individu. La prévention de la rupture d’autonomie doit ainsi, pour Jean-Pierre AQUINO, s’intéresser aux aspects sanitaires mais aussi psychologiques, sociaux et environnementaux, renvoyant à l’urbanisme, l’habitat et aux transports. Les enjeux se situent donc très clairement du côté de la prévention de la perte d’autonomie, pour lutter contre les effets du vieillissement, en développant des approches très diverses, et globales.
Pourtant, d’autres enjeux émergent en lien avec le « transhumanisme » qui se propose l’amélioration des caractéristiques physiques et mentales de l’être humain grâce aux moyens offerts par la science : l’homme augmenté, l’homme réparé, la mort de la mort… tel est le projet du « transhumanisme ». Si ce courant de pensée soulève un certain nombre d’inquiétudes et apparaît contraire par bien des aspects à l’éthique, de nombreux et puissants acteurs économiques se sont engagés dans cette voie : Google, Apple, Facebook, Amazon pour ne citer que les GAFA.
Quelles réponses apporter à ce mouvement ? Si les réponses au vieillissement ne peuvent pas être trouvées, pour des raisons éthiques évidentes, dans les seules ressources offertes par la science et la technique, il faut alors se tourner vers les sciences cognitives et comportementales qui invitent à développer ce qui, en psycho-sociologie, est nommé le « nudge » c’est à dire, en français, le coup de pouce, une méthode douce pour inspirer la bonne décision : pouvoir modifier le comportement de quelqu’un, sans pour autant le bousculer dans ses habitudes et ses pratiques…
S’agissant des enjeux territoriaux, Pierre-Marie CHAPON a mis en garde contre l’illusion d’une « silver économie » qui soit le seul moteur de développement d’un territoire : le véritable enjeu d’un territoire se situe moins dans le développement d’une économie des séniors que dans un maintien et une adaptation des services publics de proximité, qui leur sont nécessaires. Les innovations et les technologies pensées et développées dans le cadre de la silver économie doivent profiter à l’ensemble de la population d’un territoire, aux plus jeunes comme aux séniors, car c’est grâce à ce dynamisme territorial, à cette attractivité que de nouveaux habitants, de nouveaux acteurs économiques, de nouveaux acteurs de santé… viendront s’implanter sur le territoire considéré. La silver économie doit découler du développement territorial et non l’inverse.
Les trois tables-rondes de cette journée d’étude entendaient traiter des sujets suivants :
Table ronde n°1 : Quelle gouvernance pour les politiques publiques du grand âge ?
L’objet de cette première table ronde était d’examiner les rôles et compétences des différents acteurs publics dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques du grand âge. S’il appartient aux Etats de définir des plans d’actions nationaux, de réaliser les infrastructures nécessaires aux services tournés vers les séniors, de favoriser la recherche et le développement dans le domaine de la « silver économie », les collectivités territoriales jouent également un rôle déterminant (appel d’offres spécifiques, politique d’innovation, développement de clusters, mécanismes spécifiques mis en place dans les zones rurales, création de dispositifs assurant la solidarité territoriale ?…naissance de silver régions ?). Cette table-ronde avait également pour ambition d’aborder la question de l’articulation entre l’action des acteurs publics et celles des acteurs économiques privés.
Ces différentes questions ont été traitées d’abord par Agnès SAUVIAT, Maitre de conférences (HDR) en droit public à l’Université de Limoges, au travers de la présentation d’un projet de recherche (PRODESAN : « Pour un droit régional à la santé ») conduit par l’Université de Limoges, et dont l’objet est de déterminer le rôle de la région en matière de santé et d’identifier les politiques innovantes dans le domaine de la santé (au sens strict, ou en lien avec le sport ou l’environnement) puis par Anne REIMAT, Maître de conférences (HDR) en Sciences économiques, Professeure associée à la Chaire d’Economie Sociale et Solidaire, Université de Reims, au travers de la présentation d’une étude consacrée aux différents modes de gouvernance des EPHAD, étude soulignant la très grande singularité de ce type d’établissement qui justifient que soient conservés des systèmes de gouvernance atypiques.
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Agnès SAUVIAT
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Anne REIMAT
Jean-Paul DENANOT, Député européen, a quant à lui présenté les enjeux au plan européen des questions liées au vieillissement. Leurs propos ont été complétés et illustrés par les présentations faites par les experts du réseau EUROPA :
- Rui PEIXOTO DUARTE, Avocat, cabinet Abreu Advogados (Portugal) ;
- Eglé STONKUTE, Professeur associé de management, Université de Vytautas Magnus (Lituanie) ;
- Sevasti CHATZOPOULOU, Associate Professor in European Bureaucratic Politics, Department of Social Sciences and Business, Roskilde University (Danemark) ;
- Brid QUINN, Lecturer in Public Administration and specialises in local governance and EU policies, University of Limerick (Irlande) ;
- Małgorzata MOLEDA-ZDZIECH, prof. SGH, Institute of International Studies, Collegium of Socio-Economics, Warsaw School of Economics (Pologne) ;
- Jana MARASOVA, Faculté d’Economie Université Matej Bel de Banska Bystrica (Slovaquie).
Table ronde n°2 : La silver économie et les enjeux sociaux et de santé
Cette table ronde a permis de faire le point sur les politiques publiques de santé visant notamment à anticiper le plus tôt possible les effets du vieillissement.
Ce sujet a d’abord été abordé par Serge GUERIN et Philippe CHANDERNAGOR, Conseiller auprès du Directeur général de l’Agence Régionale de Santé Aquitaine, lequel a présenté la stratégie de l’ARS Nouvelle Aquitaine en matière de prévention du vieillissement et de la perte d’autonomie, puis par François VINCENT, Président d’Autonom’Lab, Conseiller régional Nouvelle-Aquitaine et par Thierry DANTOINE, Professeur de médecine interne gériatrie et biologie du vieillissement à l’Université de Limoges, enseignant-chercheur, chef de service de médecine gériatrique au CHU de Limoges Responsable de la chaire « e-santé, bien-vieillir et autonomie », Fondation partenariale de l’Université de Limoges.
François VINCENT
La présence, au travers de son Président François VINCENT, d’Autonom’Lab se justifiait en raison du fait que ce dernier est le premier Living Lab français spécialisé dans le secteur de la santé et l’autonomie. Autonom’Lab est né du constat des caractéristiques démographiques de la région Limousin et la volonté de la puissance publique de soutenir le développement de projets innovants en santé et autonomie : Autonom’Lab joue à la fois un rôle d’interface entre les différents acteurs de la silver économie en région, mais également une fonction de veille sur les principaux enjeux sociétaux liés à la silver économie et de préfigurateur des réponses qui peuvent y être apportées.
Thierry DANTOINE
La Chaire « e-santé, bien vieillir et autonomie » dirigée par Thierry DANTOINE quant à elle s’est investie dans la résolution des problématiques liées au maintien de l’autonomie en développant une approche multidisciplinaire alliant des recherches de pointe dans différents domaines tels que la santé, les technologies, le droit et la sémiotique. La spécificité de la chaire réside dans la volonté d’évaluer les sujets en situation de vie réelle, à domicile, dans le but de prévenir la rupture d’autonomie. Son approche fait écho à celle du CHU de Limoges.
Pour illustrer les différents types d’enjeux et d’approches, les acteurs économiques et les experts du réseau EUROPA suivant sont intervenus dans le cadre de la table-ronde :
- Dominique BOULBES, Président d’Indépendance Royale (France) ;
- Olivier VALLEE, Directeur des marchés « assistance à l’autonomie » Groupe Legrand (France) ;
- Eric CHENUT, Vice-président de la MGEN (France) ;
- Stella KYVELOU-CHIOTINI, Associate Professor, Dpt of Economics and Regional Development, Panteion University of Social and Political Sciences – Athène (Grèce) ;
- Laurens ZWAAN, Researcher associated with Erasmus University Rotterdam and consultant in the domain of public management with Leeuwendaal (Pays-Bas) ;
- Margot BONNAFOUS, Responsable de formation à l’Euro-Institut de Kehl (Allemagne) ;
- Franz CLEMENT, Docteur en sociologie, LISER (Luxembourg Institute of Socio Economic Research) (Grand-Duché du Luxembourg).
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Dominique BOULBES
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Olivier VALLEE
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Stella KYVELOU-CHIOTINI
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Laurens ZWAAN
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Margot BONNAFOUS
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Franz CLEMENT
Table ronde n°3 : La silver économie et la formation : quels nouveaux métiers ?
La séniorisation des sociétés, et la définition de politiques publiques et de services publics ayant pour objet de répondre aux défis du grand âge ont conduit à l’émergence de métiers nouveaux. Cette troisième table-ronde a ainsi été l’occasion pour les intervenants de partager leur expérience de sénior actif, de présenter ces nouveaux métiers et les formations qui les accompagnent, et, à travers, eux d’examiner les réponses qui sont apportées par les pouvoirs publics à cette transformation démographique de nos sociétés. L’émergence de ces nouveaux métiers est une question délicate : la fragilité des publics auxquels ils s’adressent invitent à porter une attention particulière à la formation de ceux qui ont en charge le bien être des séniors. Par ailleurs la question des métiers invitait à s’interroger à l’activité économique des séniors : Comment valoriser leur capital professionnel ? Leurs savoir faire ? Leur expérience ? Comment participent-ils par leur activité, au dynamisme économique et la richesse nationale ?
Sont tout d’abord intervenus pour répondre à ces questions : Eric CORREIA, Président du Pôle Domotique santé de Guéret, Président de la Communauté d’agglomération du Grand Guéret, Conseiller régional de la Nouvelle Aquitaine (France) et Laurent BILLONNET, Responsable du master international Master Auton’Hom-e, Université de Limoges pour présenter l’initiative développée par le territoire de la communauté d’agglomération du Grand Guéret : Odyssée 2023 – Pôle Domotique et Santé de Guéret, qui s’appuie sur les technologies communicantes de l’habitat individuel et collectif, pour améliorer le confort, la sécurité, la communication et l’autonomie des personnes.
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Eric CORREIA
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Laurent BILLONNET
Dans un second temps, différents experts sont intervenus pour partager leurs expériences et leur éclairage sur les questions abordées dans le cadre de cette table-ronde :
- Alexandra MALISSEN, Délégation Limousin du CNFPT ;
- Pierre BAUBY, Enseignant-chercheur associé à l’Université Paris VIII et à Sciences Po., fondateur de « Reconstruire l’Action Publique » (RAP) ;
- Anne AZAM PRADEILLES, Présidente d’AAP Consulting, Expert international en gouvernance et réforme de l’Etat, Administratrice civile HC ;
- Antoniy GALABOV, Professeur en Sociologie Politique et de la Culture, Directeur du Département des Sciences Politiques, Directeur du Laboratoire des Politiques Publiques, Nouvelle Université Bulgare (Bulgarie).
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Alexandra MALISSEN
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Pierre BAUBY
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Anne AZAM PRADEILLES
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Antoniy GALABOV
L’intervention d’Anne AZAM PRADEILLES a notamment permis de présenter le programme SILVER du CHEMI (Centre des Hautes-Etudes du Ministère de l’Intérieur) dont l’objectif est d’accélérer l’engagement des cadres publics de plus de 60 ans vers des métiers séniors et de valoriser leur carrière avec des passages “de l’intérieur vers l’extérieur” notamment vers l’entrepreunariat ou vers l’international.
Cette journée d’étude s’est refermée sur le rapport de synthèse de la Présidente d’EUROPA, Hélène PAULIAT.